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Communiqué de presse
Les conducteurs incorporés/ « Chauffeur inc. », surexploités par leurs employeurs et pas suffisamment formés aux exigences de conduite d’un véhicule lourd, sont pourtant des milliers à sillonner les routes du Canada. Ces derniers jours au Québec, plusieurs transporteurs membres ont manifesté dans les médias l’inquiétude grandissante de leurs conducteurs alors qu’ils sillonnent la route en présence de chauffeurs incorporés. L’ACQ a immédiatement consulté ses membres** pour obtenir un retour terrain de ce qu’ils vivent au quotidien. Les résultats de ce sondage, que nous vous présentons ci-dessous, sont sans appel : l’ACQ appelle le Gouvernement à se positionner publiquement sur ce phénomène et à retirer ces véhicules et leurs conducteurs de la route, avant que des conséquences irréversibles ne l’obligent à répondre de son manque d’initiative.
**Un panel de 48 transporteurs de tous profils et de toutes tailles a été approché. Ils représentent au total 16 145 employés et exploitent 9 846 véhicules lourds dans le cadre de leurs activités.
85% des entreprises sondées ont déjà été informées par leurs conducteurs d’un sentiment d’insécurité sur la route
Ce sont les premiers témoins affectés par ce phénomène : les conducteurs conformes, en opposition aux conducteurs incorporés, manifestent une inquiétude grandissante à partager la route avec ces derniers : les entreprises interrogées évoquent principalement une « conduite téméraire » (60%) et le « mauvais entretien » des véhicules (23 %).
Comment en est-on arrivé là ?
Au-delà de recruter des conducteurs incorporés, l’employeur, aussi appelé stratège, mène son activité dans le seul but d'augmenter ses profits et sans considération aucune pour les standards de qualité et de sécurité inhérente à l’industrie du camionnage :
- Ses conducteurs utilisent des documents d’assurance invalides ;
- Il suggère à ses chauffeurs de quitter les lieux à la suite d’un accident et d’abandonner leurs véhicules et leurs chargements ;
- Il demande illégalement à plus de deux conducteurs de « partir sur la route » dans un seul et même camion pour se relayer et gagner du temps sur un trajet ;
- Il accepte d’embaucher des conducteurs de camions formés dans des établissements de formation suspects, qui certifient les conducteurs de camions à travers des systèmes d’évaluation compromis. Voir le reportage d’enquête de CBC sur le sujet.
Autant de raisons, connues par les autorités, qui justifient nos préoccupations quant à la sécurité de tous les usagers de la route.
Contrôle Routier Québec en première ligne pour remédier à la situation
À la question « Quel levier d'action Contrôle Routier Québec doit privilégier en priorité pour retirer les « chauffeurs inc. » de la route ? », près de la moitié des répondants (46%) ont demandé à « Vérifier plus rigoureusement la validité des permis et assurances présentés lors des contrôles ».
« Vérifier systématiquement la conformité de l'inspection mécanique annuelle des véhicules » et « augmenter le nombre de contrôles aux balances » sont les autres leviers les plus privilégiés par les répondants (30%).
L’ACQ s’entretien régulièrement avec les représentants de Contrôle Routier Québec pour évoquer ces leviers d’action. Mais leurs ressources actuelles ne leur permettent pas d’obtenir des résultats concrets.
Ils sont pourtant la pièce maîtresse pour résoudre cette situation :
- En obtenant davantage de latitude dans leurs actions de contrôle, ils pourront « sortir » les camions mal entretenus et leurs conducteurs pas suffisamment formés de la route.
- Ils enverront un signal fort aux clients de ces entreprises, les expéditeurs, qui perdront leur confiance en la fiabilité de ces transporteurs et ne voudront pas prendre le risque de « perdre » leurs marchandises transportées par un véhicule sans assurance par exemple.
- Enfin, cette perte de confiance de la part des expéditeurs dissuadera les employeurs de conducteurs incorporés de poursuivre leurs activités frauduleuses.
Le saviez-vous ?
Définition du rôle officiel de Contrôle routier Québec sur leur site internet :
« CRQ a pour mission d'assurer la surveillance et le contrôle du transport routier des personnes et des biens ainsi que de prévenir et de réprimer les infractions aux lois et règlements régissant cette industrie du transport et à toutes autres lois édictées par le gouvernement afin :
- D’améliorer la sécurité des usagers de la route
- D’assurer la protection du réseau routier
- De veiller au maintien de l'équité concurrentielle dans le domaine du transport des personnes et des biens »
79 % des entreprises sondées déclarent perdre du chiffre d'affaires à cause du stratagème « Chauffeur inc. »
C’est l’autre volet majeur de ce phénomène : ajouté aux enjeux de sécurité cités plus haut, les employeurs de chauffeurs incorporés et ces derniers contournent totalement les mécanismes de déductions à la source et leurs obligations fiscales. Grâce à cette fraude à la fois fiscale et sociale, ils réduisent leurs coûts d’opération et gagnent des parts de marché de façon malhonnête.
En moyenne, les entreprises interrogées déclarent avoir perdu 13,8 % de leur chiffre d’affaires à cause du stratagème « Chauffeur inc. ». 23 % d’entre elles déclarent avoir déjà perdu au moins 20 % de leur chiffre d’affaires à cause de ce stratagème.
37 % des entreprises sondées ont déjà été contraintes d’effectuer des mises à pied à cause de cette perte de chiffre d'affaires
C'est une conséquence dramatique de cette iniquité concurrentielle. Les entreprises interrogées ont également répondu à la question « Pensez-vous que vous serez contraint d'effectuer des mises à pied si le stratagème « Chauffeur inc. » persiste ? » : deux entreprises sondées sur trois (67%) ont répondu par la positive. 38 % d’entre elles déclarent même y être contraintes « dès 2025 ».
Que fait le Gouvernement ?
Alors que l’ACQ poursuit ses échanges avec les différents ministères concernés pour faire avancer ce dossier sur le plan législatif et opérationnel, l’Association et ses membres regrettent qu’aucune mesure tangible n’eut été prise jusqu’à présent alors que le problème est bien connu du Gouvernement.
- 12 années : c’est le temps qui s’est écoulé depuis que l’ACQ a, pour la première fois, signalé le stratagème aux autorités.
- 2 milliards de dollars de Déductions à la source (DAS) ont échappé à l’État durant cette période. Téléchargez notre note de synthèse explicative sur le sujet.
- +50 rencontres ont été organisées par l’ACQ avec les instances Gouvernementales, rien que ces deux dernières années :
- Au niveau provincial : ministère du Travail et CNESST, ministère des Finances et Revenu Québec, MTMD, SAAQ ,CRQ, CTQ, MIFI,
- Au niveau fédéral : ministère des Finances et Agence du Revenu du Canada, Agence des services frontaliers du Canada, CCATM, ministère des Transports, ministère de l’Immigration, ministère du Travail, Emploi Développement Social Canada, Programme des travailleurs étrangers temporaires.
Nos revendications
Face aux inquiétudes de sécurité grandissantes manifestées par ses entreprises membres et leurs conducteurs, et alors que la période hivernale approche, l’ACQ met en garde le Gouvernement sur le grave danger qui touche la sécurité des routes du Québec.
L’ACQ demande expressément au Gouvernement du Québec de donner à Contrôle Routier Québec les ressources nécessaires pour lui permettre d’évacuer les conducteurs incorporés de la route le plus rapidement possible.
L’ACQ demande également à Québec et Ottawa d’exprimer publiquement leur position sur ce dossier d’intérêt général, qui dépasse désormais le cadre juridique et législatif et s’immisce dans le quotidien de tous les usagers de la route au Canada.