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L’ACQ travaille depuis plusieurs années sur le dossier « Chauffeur inc. » : un trompe-l’œil fiscal basé sur la « fausse classification » de travailleurs qui seraient en réalité des employés. Ce stratagème, qui se repend dans de nombreuses provinces du Canada, crée une iniquité concurrentielle dans l’industrie du camionnage, et fait perdre au Gouvernement des sommes considérables chaque année.
« Nos entreprises ont besoin d’exercer leurs activités avec confiance et sérénité. Nous poursuivons sans relâche nos efforts pour dissuader les fraudeurs qui doivent appréhender l’étau qui se referme sur eux. » Marc Cadieux, Président directeur général de l'ACQ.
« Chauffeurs inc. » : Qu’est ce que c’est ?
Le phénomène « stratagème Chauffeur inc. », est un trompe-l’œil fiscal. C’est une « fausse classification » de travailleurs qui seraient en réalité des employés. C’est un mode d’opération selon lequel les chauffeurs exercent leur métier via une société par actions ou autre véhicule juridique en tant que travailleurs autonomes plutôt qu’en tant qu’employés. Les chauffeurs qui utilisent le modèle « Chauffeur inc. », le font afin d’obtenir des avantages fiscaux auxquels ils n’ont pas le droit, ne paient pas les impôts selon le bon modèle d’imposition et ne sont pas déclarés comme une agence de placement de personnel selon les exigences de la loi (n’ayant pas propriétaire d’un camion, ils offrent un service de conduite comme le font les agences de personnel).
Un véritable travailleur indépendant est un voiturier-remorqueur si cette personne œuvrant dans l’industrie du transport n’est pas supervisée et a une participation réelle aux risques et profits, tel l’acquisition d’un véhicule lourd.
Ce modèle est aussi avantageux pour le donneur d’ouvrage qui, en procédant à une mauvaise classification d’employé, emploie les « Chauffeurs inc. » sans payer les déductions à la source (DAS) et tous les avantages sociaux dont a droit un employé. Le donneur d’ouvrage n’a donc pas à assumer sa part des cotisations sociales de l’employé et l’employé n’aura pas à obligatoirement payer la sienne, ce qui peut sembler attrayant à première vue. L’envers de la médaille est toutefois l’absence de protections importantes pour les « Chauffeurs inc. », comme l’assurance-emploi et l’indemnisation en cas d’accident de travail.
Ce modèle d’affaires frauduleux crée une iniquité concurrentielle dans l’industrie du camionnage. En effet, les transporteurs frauduleux peuvent ainsi proposer des taux de transport beaucoup plus bas que les transporteurs honnêtes et conformes.
Comment différencier un employé et un entrepreneur indépendant (voiturier-remorqueur) ?
Le contenu apparaissant dans cette section n'est fourni qu'à titre informatif et ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprété comme tel. Il est fortement recommandé de consulter votre représentant légal pour toutes questions sur la nature de vos ententes contractuelles avec un employé et/ou entrepreneur indépendant.
Basé sur la jurisprudence, cette liste suivante (non exhaustive) énonce les éléments qui distinguent un employé d'un entrepreneur indépendant :
- Peut-il y avoir refus de mandat ?
- Le travailleur peut-il se faire remplacer ?
- Le travailleur se présente-t-il à la place d’affaires ?
- Le travailleur est-il soumis à la politique de mesures disciplinaires ?
- Le travailleur doit-il respecter les politiques et procédures de l’entreprise ?
- Le travailleur reçoit-il des directives pour les heures de cueillette ?
- Le travailleur reçoit-il un Itinéraire ?
- Existe-t-il une clause d’exclusivité ?
- Le travailleur doit-il demander l’autorisation pour prendre congés et vacances ?
- Le travailleur conduit-il le véhicule de l’entreprise ou son véhicule ?
- Qui est propriétaire du camion ?
- La possibilité que le travailleur réalise un profit ou engendre des pertes;
- Qui est responsable de l’entretien du camion ?
- Qui prendre charges des paiements relativement au carburant ?
- Quelle est la forme de rémunération/facturation ?
- Qui paie les contraventions ?
- Qui paie les assurances (assurance responsabilité et assurance cargo) ?
- Un cautionnement ou dépôt a-t-il été fourni ?
- Qui est responsable d’une faute ou négligence de la part du travailleur ?
- Qui paie des déductions à la source ?
- Le travailleur se présente-t-il à la place d’affaires ?
- Y a-t-il des communications régulières avec la compagnie ?
- Quelles sont les affectations ?
- Peut-il y avoir refus de mandat ?
- Le travailleur utilise-t-il le logo de la compagnie ?
- Le travailleur reçoit-il des formations (lors de l’embauche et durant l’embauche) ?
- Le travailleur utilise-t-il un uniforme de la compagnie ?
Les revendications de l'ACQ
Au niveau provincial
Le 28 novembre 2023, l’ACQ a déposé son document proposant des modifications législatives dans le combat contre le stratagème de fraude fiscale des Chauffeurs à 4 ministères : Revenu Québec (Ministère des Finances), CNESST (Ministère du Travail), Commission des Transports du Québec, SAAQ/CRQ et Ministère des Transport et de la Mobilité Durable et Ministère de l’Immigration, Francisation et Intégration.
Revenu Québec
• Obligation d’émettre des T4A
• Ajout d’un article au chapitre V du titre III du livre IX de la LI intitulé « Responsabilité solidaire quant au paiement de l’impôt » pour dissuader les donneurs d’ouvrages de contracter avec des « Chauffeurs inc. » afin de donner un levier à Revenu Québec dans la détermination que certains chauffeurs incorporés sont des entreprises de services personnels et cotiser leurs employeurs.
• Ajout d’une présomption à l’article 1 de la LI , l à la définition d’« entreprise de services personnels » à l’effet que lorsque les services rendus par cet individu se rapprochent plutôt d’une prestation de travail à titre d’employé selon des conditions factuelles, il serait présumé exploiter une ESP et en subir les conséquences.
CNESST
• Modification de la définition de « travailleur » dans la LATMP permettant à la CNESST de ne pas exclure automatiquement le « Chauffeur inc. » de la définition de travailleur et le priver des protections de la LATMP en ajoutant à l’alinéa 4° : « du dirigeant d’une personne morale, sauf un employé constitué en société, quel que soit le travail qu’il exécute pour cette personne morale; »
• Modification à l’article 9 LATMP prévoyant explicitement que l’employé constitué en société doit être considéré comme travailleur dans la LATMP, au même titre que le travailleur autonome et en permettant à ces derniers de bénéficier des protections de la loi.: « 9. Le travailleur autonome ou l’employé constitué en société qui, dans le cours de ses affaires, exerce pour une personne des activités similaires ou connexes à celles qui sont exercées dans l’établissement de cette personne est considéré un travailleur à l’emploi de celle-ci, sauf ».
• Il faudrait par le fait même ajouter la définition d’employé constitué en société à l’article 2 afin de donner effets aux ajouts ci-devant mentionnés : [employé constitué en société] : un actionnaire désigné d’une société au sens de l’article 21.18 de la Loi sur les impôts, qui pourrait raisonnablement être assimilé à un employé de la personne ou de la société de personnes à qui il a fourni les services, si ce n’était de l’existence de la société.
MTMD – LPECVL - SAAQ
Dans l’état actuel des choses, rien dans la Loi concernant les propriétaires, les exploitants et les conducteurs de véhicules lourds ne permet à la Commission des transports du Québec de sévir à l’encontre des entreprises qui fournissent des « Chauffeurs inc. ».
• Inscription obligatoire des agences de placement de personnel au registre de la Commission des Transports du Québec avec le numéro de permis de la CNESST : Obligation, pour toute personne qui, contre rémunération, fournit directement ou indirectement les services de conducteurs à un ou des exploitants de véhicules lourds, de s’inscrire auprès de la Commission des transports du Québec, et ce, afin qu’un contrôle puisse être exercé sur celle-ci, dans un contexte de sécurité routière.
• Assurer que la Société de l’assurance automobile du Québec adopte une politique d’évaluation du comportement spécifiquement applicable aux agences de placement de personnel.
• Ajout de pouvoir de surveillance et de contrôle à la CTQ envers les Agences de placement de personnel et dans la situation où le transporteur fait affaire avec une agence de placement de personnel non inscrite au Registre de la CTQ, tels que à l’article 27 de la LPECVL attribuer une cote de sécurité « insatisfaisante », l’article 30 de la LPECVL suspendre le droit d’agir à titre d’agence de placement de personnel, etc.
• Les modifications supposent également des pouvoirs accrus de vérifications lors d’inspections sur la route ou en entreprise par Contrôle Routier Québec.
MIFI
• Participer au projet pilote du fédéral pour les employeurs reconnus (« PPER ») du Programme des travailleurs étrangers temporaires en utilisant un modèle bonifié du programme visant spécifiquement l’industrie du camionnage, lequel viserait à implanter un processus de sélection des employeurs reconnus qui permettrait de vérifier la conformité d’un transporteur aux exigences en matière de droit du travail.
• Mettre en place une structure d’information aux nouveaux arrivants sur leurs obligations fiscales et le mode de fonctionnement de nos services gouvernementaux, tels la RAMQ, l’A-E, etc.
• Mieux identifier les conditions d’accessibilité au territoire ne permettent pas d’identifier à temps les travailleurs susceptibles de s’incorporer (chauffeurs inc) au sein des entreprises non conformes. Trois points d’entrée sont identifiés : les demandes de permis d’études, les demandes d’asile et les demandes de changement de statut de travailleur à la suite de l’entrée au pays en tant que visiteur.
Au niveau fédéral
Le CTA est impliqué dans le dossier des chauffeurs inc depuis 2018.
Le CTA a lancé sa 2eCampagne de sensibilisation nationale à l’automne 2023.
L’ACQ lobby également au niveau fédéral notamment avec Emploi, Développement et Solidarité Sociale (EDSC) de Travail Canada et le ministre Pablo Rodriguez, ministre des Transports Canada et Lieutenant du Québec.
L’ACQ et le CTA revendiquent :
• Processus plus transparent et plus agressif de la part des autorités.
• Lever du moratoire et obligation d’émettre des T4A dans le secteur du camionnage (Agence du Revenu du Canada (ARC))
• Demande à ce que l’ARC honore immédiatement les demandes d’EDSC pour des audits conjoints des transporteurs et les entreprises de services personnels (ESP) qui font l’objet d’une enquête pour des infractions flagrantes en matière de travail associées à Chauffeur Inc.
• À l’instar de l’injection de 26 millions de dollars d’EDSC pour l’application de la loi de Chauffeur Inc., l’ARC devrait immédiatement recevoir un financement semblable pour faire respecter et vérifier l’observation des BSP dans l’industrie du camionnage.
• EDSC et l’ARC devraient faire de Chauffeur Inc leur priorité numéro un en matière d’application de la loi en 2024 et publier les noms des contrevenants majeurs et s’assurer que les amendes actuelles ne sont pas fixées au niveau opérationnel. Demande d’augmentation des pénalités.
• Le gouvernement fédéral doit exiger que toutes les compagnies de transport soient contrôlées pour Driver Inc. avant de soumissionner pour des contrats de sociétés d’État ou du gouvernement. De plus, le gouvernement fédéral devrait instituer un volet obligatoire d’éducation et de formation pour l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.
• Le gouvernement fédéral, par l’entremise du Conseil des ministres (Transports/Travail), devrait se faire le champion de la mise en œuvre d’un programme qui empêchera les contrevenants flagrants à la classification erronée du travail de continuer à fonctionner.
• Demande à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) d’appliquer la Loi sur l’esclavage moderne aux contrevenants et aux transporteurs de Chauffeur Inc qui utilisent des systèmes similaires pour exploiter les résidents permanents.
• Demande à l’ASFC d’inclure un élément de vérification dans les demandes de programmes de négociants dignes de confiance (Partenaires en protection (PEP)) pour éliminer les contrevenants au travail et les contrevenants à la loi sur l’esclavage moderne.
• Demande à EDSC de prendre des considérations particulières au camionnage dans le projet pilote du fédéral pour les employeurs reconnus (« PPER ») du Programme des travailleurs étrangers temporaires en utilisant un modèle bonifié du programme visant spécifiquement l’industrie du camionnage.
Les lignes de dénonciations
Le guide de dénonciation
Ce guide de dénonciations précise étape par étape les modalités de signalement des cas de non-conformité présumés de « Chauffeur Inc. » auprès de plusieurs organismes comme l’Agence du revenu du Canada (ARC), Emploi et Développement social Canada (EDSC), le Programme des travailleurs étrangers temporaires et certains organismes provinciaux chargés de la surveillance du milieu de travail, comme la WSIB de l’Ontario et Revenu Québec.
Les lignes de dénonciation :
- Revenu Québec : Téléphoner au 1-855 208-1131 ou par courriel sécurisé.
- CNESST : Écrire un courriel de dénonciation : renseignement@cnesst.gouv.qc.ca en nommant l'objet du message Chauffeur inc.
- Agence du Revenu du Canada : Téléphoner au 1-866-809-6841 ou directement sur le site de l’ARC.
- WSIB : Téléphoner au 1-888-745-3237 ou écrire un courriel à sileads@wsib.on.ca, ou communiquer par courriel de façon anonyme par l’intermédiaire de notre site Web.
- EDSC : Numéro sans frais : 1-800-641-4049 ou écrire un courriel à EDSC.ERREURSCLASSIFICATION-MISCLASSIFICATION.ESDC@LABOUR-TRAVAIL.GC.CA
Liens utiles
Déceler le stratagème : nos fiches conseil
Nous vous encourageons fortement à communiquer ces fiches à votre clientèle afin de faire circuler l'information après des parties prenantes de la chaîne d'approvisionnement.
Erreurs de classification : la trousse d'informations de l'EDSC
Qu'est-ce qu'une erreur de classification d'employé ? En quoi êtes-vous touché, en tant que camionneur, par les erreurs de classification des employés ? Comment le Code canadien du travail vous protège-t-il ? Qu'arrive-t-il aux employeurs qui classifient mal des travailleurs ? Retrouvez toutes les informations relatives aux erreurs de classification dans le secteur du transport routier sur la page officielle d'Emploi et développement social Canada.
Classification erronée : Connaissez vos droits
EDSC met à votre disposition une vidéo explicative des enjeux qui entourent la classification erronée d’un employé.